L’escroquerie aux faux ordres de virement ou « escroquerie au président » connaît, depuis quelques années, une forte recrudescence.
L’arnaque au président consiste pour le fraudeur à contacter une entreprise cible, en se faisant passer pour le président de la société mère ou du groupe. Le contact se fait par courriel ou par téléphone. Après quelques échanges destinés à instaurer la confiance, le fraudeur demande que soit réalisé un virement international non planifié, au caractère urgent et confidentiel. La société sollicitée s’exécute, après avoir reçu les références du compte étranger à créditer.
En présence d’ordres de paiement comportant des anomalies apparentes, la banque doit, en vertu de son obligation de vigilance, s’assurer de la régularité des ordres de virement auprès du donneur d’ordre.
La comptable d’une société, agissant en exécution d’e-mails adressés par un tiers usurpant l’identité de son dirigeant, ordonne sept virements depuis le compte de la société vers le compte d’une société située à Hong Kong pour un montant de 2 121 903,81 €.
Dans son arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de Cassation accueille la demande de la société en restitution des sommes versées.
Il résulte en effet des éléments suivants que les ordres de virement comportaient des anomalies apparentes et que les circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissaient suspecter une possible « fraude au président », de sorte que la banque aurait dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant de la société, seule personne contractuellement habilitée à les valider :
- les ordres de virements avaient eu un caractère rapproché et répété ;
- la période de l’année à laquelle ils étaient intervenus était inhabituelle ;
- leurs montants étaient élevés par rapport aux ordres habituellement donnés ;
– ils avaient été établis au bénéfice de sociétés qui ne faisaient pas partie des relations d’affaires de la société et qui était situées en dehors de l’espace habituel de son activité.
En l’espèce, la banque avait d’ailleurs fait contrôler les ordres de virement par la comptable, qui les avait confirmés, pensant que la consigne émanait de sa hiérarchie. Le contrôle de la banque auprès du seul préposé a été jugé insuffisant au regard de son obligation de vigilance.
La Cour de cassation apporte ici une précision importante en jugeant que la banque avait l’obligation de contacter le dirigeant lui-même, qui est la seule personne habilitée contractuellement à valider les ordres de virement.
A noter que la responsabilité de la banque n’a été retenue qu’à hauteur de 50 % car la société avait également commis une faute. Les juges du fonds ont une grande liberté d’appréciation en ce domaine, la part de responsabilité de la banque peut donc varier en fonction des circonstances.