Le saviez-vous ? Le salarié peut-il exiger de son employeur la communication de ses emails émis/reçus grâce à sa messagerie professionnelle ? OUI

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel ayant retenu que les courriels émis ou reçus par le salarié grâce à sa messagerie électronique professionnelle sont des données à caractère personnel au sens du RGPD auxquels le salarié peut accéder.

L’employeur doit lui fournir tant les métadonnées (horodatage, destinataires) que leur contenu.

Seule exception : si ces éléments sont susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés d’autrui.

Cass. soc. 18 juin 2025, n°23-19.022 F-D

L’employeur doit s’assurer du respect des préconisations médicales, même dans les entreprises clientes

La Cour de cassation considère que l’’employeur, tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis des salariés doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur que le médecin du travail est habilité à faire en application de l’article L. 4624-3 du Code du travail ».

En l’espèce, un chauffeur-livreur avait été victime d’un accident du travail. Le médecin du travail l’avait déclaré apte, tout en émettant les réserves suivantes : « sans port de charge supérieure à 10 kg, tirer ou pousser une charge pendant cinq mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique ». L’employeur n’avait cependant pas vérifié que tous les supermarchés au sein desquels le salarié effectuait ses livraisons étaient bien dotés d’un tel équipement.

Ainsi, si le médecin du travail préconise l’aide d’un chariot électrique, il incombe à l’employeur de vérifier que les lieux dans lesquels le salarié effectue sa tournée en sont bien équipés. A défaut, l’employeur manque à son obligation de sécurité.

Le fait que le salarié exerce ses missions au sein d’entreprises clientes ne fait pas peser sur lui une obligation d’informer l’employeur en cas de non conformité des lieux de travail aux préconisations du médecin du travail. C’est à l’employeur qu’il incombe de vérifier que les lieux de travail sont conformes à ces préconisations.

Cass. Soc. 11 juin 2025, n°24-13.083, F-B

Licenciement nul d’une salariée entretenant une liaison avec le président de la société

Une salariée, responsable des ressources humaines, est licenciée pour faute grave après que sa liaison avec le président de la société a été découverte par son épouse, directrice générale au sein de la même société.

La Cour de cassation rappelle que tout « salarié a droit, même au temps et lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée » et qu’un « employeur ne peut sans violation de cette liberté fondamentale, fonder un licenciement sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée du salarié ».

En l’espèce, la Cour de cassation avait constaté qu’aucun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement n’était établi et que la véritable cause du licenciement était la découverte par l’épouse du président de la liaison que la salariée entretenait avec son mari depuis plusieurs mois. Dès lors, il s’agissait d’un fait relevant de la vie privée de la salariée rendant nul le licenciement.

Cass. soc., 4 juin 2025, n° 24-14.509

Inaptitude : pas de notification préalable de l’impossibilité de reclassement en cas de dispense explicite

Lorsque l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à l’état de santé du salarié, l’employeur n’est pas tenu de notifier par écrit au salarié, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, les motifs s’opposant au reclassement.

Il ne peut pas non plus lui être reproché de ne pas avoir recherché un poste de reclassement dans les autres établissements de l’entreprise.

Cass. Soc. 11 juin 2025, n°24-15.297

Congé de paternité en Alsace-Moselle : la rémunération du salarié doit être maintenue

Il résulte de l’article L1226-23 du Code du Travail que « Le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire ».
Constitue une cause personnelle indépendante de sa volonté, ouvrant droit au maintien de sa rémunération, l’absence du salarié en raison d’un congé de paternité.

Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-11.388, n° 558 FS-B

Don de sang sur le temps de travail : une proposition de loi autorisant les absences des salariés

Le 4 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail, tout en maintenant leur rémunération.

Les salariés pourraient ainsi bénéficier de 8 autorisations d’absence au maximum par an, pour se rendre dans le site de collecte le plus proche de leur lieu de travail ou de leur domicile.

Durant ces absences, l’employeur serait tenu de maintenir la rémunération du salarié, à la condition cependant que leur durée n’excède pas le temps nécessaire :

  • au déplacement entre le lieu de travail et le lieu de prélèvement,
  • au prélèvement lui-même ainsi qu’aux opérations préalables et postérieures à celui-ci.

Le salarié envisageant de s’absenter pour participer à une collecte devrait en informer son employeur au moins trois jours ouvrés avant la date prévue du prélèvement.

L’employeur ne pourrait refuser l’absence que pour des motifs tenant à l’organisation et à la continuité du service ou de l’activité économique.

Si l’employeur le lui demande, le salarié serait tenu de lui fournir un justificatif de sa présentation au don, précisant ses heures d’arrivée et de départ. Ce justificatif pourrait être constitué par une attestation établie par l’Établissement français du sang, accompagné de la carte de donneur de sang du salarié.

La proposition de loi doit désormais être examinée par le Sénat.

Fraudes aux faux conseillers et au président : quels recours pour les victimes ?

La recrudescence des fraudes au virement bancaire, chiffrée à 312 millions d’euros en France selon le rapport 2023 de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, met en lumière la vulnérabilité croissante des particuliers et des entreprises face à des escroqueries particulièrement élaborées.

Dans Option FinanceLoris Palumbo, avocat associé, co-signe avec Alexia Zigic, juriste chez ACD Avocats, une tribune dédiée à l’analyse des mécanismes de réparation pour les victimes de fraudes dites « au président » ou « aux faux conseillers financiers ».

Au sommaire de cette analyse :

– Des limites de la réponse pénale, souvent inopérante face à l’insolvabilité des fraudeurs ou à la difficulté de remonter les chaînes de transferts.

– Des recours civils essentiels, notamment via :

  • la responsabilité de la banque émettrice, en cas de manquement à son obligation de vigilance sur les anomalies apparentes ;
  • la responsabilité de la banque bénéficiaire, tenue de surveiller l’usage du compte et de déceler toute opération suspecte.

– Une jurisprudence encore instable, illustrée par des arrêts récents de la chambre commerciale de la Cour de cassation, aux solutions parfois divergentes.

– Un cadre réglementaire en évolution, avec l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2024/886, imposant dès octobre 2025 un outil de vérification de la concordance nom/IBAN dans la zone SEPA.

« Au-delà des mécanismes indemnitaires, une prévention accrue et une harmonisation des dispositifs de sécurité demeurent des enjeux majeurs pour l’ensemble de l’écosystème financier. »

Lire l’article ici.

Droit d’accès aux courriels professionnels : une nouvelle décision qui renforce les droits des salariés

Contexte

Le 31 janvier 2025, la CNIL actualisait sa fiche « Droit d’accès des salariés à leurs données et courriels professionnels ». Elle y rappelait que les salariés peuvent demander la communication des métadonnées et données personnelles contenues dans les courriels, en suivant une méthode graduée : tableau récapitulatif, invitation à préciser la demande, puis fourniture ciblée.

Les précisions de la cour

Dans un arrêt du 18 juin 2025 (n°23-19.022), la Cour de cassation vient confirmer sans ambiguïté que les courriels professionnels envoyés ou reçus par un salarié constituent bien des données à caractère personnelles au sens du RGPD.

En conséquence, tout salarié peut demander à son employeur l’accès intégral à ces courriels, c’est-à-dire leur contenu et les métadonnées associées. Seule limite à ce droit : la nécessité de ne pas porter atteinte aux droits des tiers.

La Cour s’aligne ainsi sur la position de la CNIL, tout en allant plus loin sur un point central : elle sanctionne expressément le fait de ne pas transmettre l’intégralité des courriels demandés, lorsqu’aucun motif légitime n’est avancé.

Elle rappelle ainsi que la réponse de l’employeur ne peut être partielle, incomplète ou évasive, sauf à démontrer une atteinte aux droits d’autrui.

Même si la Cour ne précise pas les modalités concrètes (tableau, copie intégrale, etc.), sa position clarifie les obligations : l’employeur doit être en mesure de remettre l’ensemble des données, sous peine de sanctions.

Ce faisant, la Haute juridiction met fin à une incertitude jurisprudentielle et renforce l’effectivité du droit d’accès, qui devient quasi automatique dans son exercice.

Concrètement, que pouvez-vous faire ?

Vous êtes salarié ou ex-salarié et vous souhaitez accéder à vos courriels professionnels

Vous pouvez adresser une demande écrite simple (email ou courrier) à votre employeur, en sollicitant la communication :

➢ De l’ensemble des messages que vous avez envoyés, reçus ou dans lesquels vous êtes mentionné(e);

➢ Des métadonnées associées : dates d’envoi, destinataires, objets, etc.

Si votre employeur ne répond pas ou refuse sans justification valable :

  • Vous avez la possibilité de déposer une plainte auprès de la CNIL ;
  • Vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes ;
  • Et vous pouvez obtenir, comme dans l’affaire jugée, des dommages-intérêts pour non-respect de vos droits.

Et du côté des employeurs, quelles obligations concrètes ?

À la suite de cette décision, voici les actions clés à mettre en œuvre pour éviter tout risque contentieux :

  • Mettre en place une procédure interne pour traiter les demandes d’accès dans le délai d’un mois prévu par le RGPD ;
  • Former les équipes RH et les managers à la gestion des demandes de droit d’accès ;
  • Analyser les emails demandés pour évaluer s’ils contiennent des éléments sensibles pouvant limiter le droit d’accès (secret des affaires, vie privée de tiers, propriété intellectuelle) ;
  • Justifier clairement tout refus ;
  • Tracer et documenter les décisions prises, pour pouvoir démontrer la bonne foi en cas de contentieux ;
  • Actualiser la charte informatique, en précisant les conditions d’accès aux données personnelles, y compris les courriels professionnels.

Notre Cabinet est à votre service pour tout renseignement complémentaire sur le droit d’accès, et ses modalités d’exercice.