Projet de loi de finances 2025

Le projet de Loi de Finances a été déposé devant l’Assemblée Nationale ce jeudi 10
octobre, ses principales mesures intéressant les entreprises et les particuliers sont
présentées ci-dessous.

FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises

Le projet instaure une contribution exceptionnelle à la charge des Sociétés dont le chiffre d’affaires
excède 1 milliard d’euros (étant précisé qu’en cas d’intégration fiscale, ce seuil d’un milliard d’euros
est apprécié en faisant la somme des chiffres d’affaires des sociétés du groupe intégré). Ce dispositif
a vocation à être temporaire, le texte prévoyant une application au titre de deux exercices clos à
compter du 31 décembre 2024.
Cette contribution serait assise sur l’impôt sur les Sociétés avant imputation des réductions et crédits
d’impôts et des créances fiscales. Aussi, cette contribution exceptionnelle ne serait pas déductible des
résultats. De même, les réductions, crédits d’impôts et créances fiscales de toutes natures ne
pourraient être imputés sur la contribution.
Le taux de cette contribution serait fonction du chiffre d’affaires de la société, à savoir :

ExerciceChiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’eurosChiffre d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros
Pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 202420,6%41,2%
Pour le second exercice clos à compter du 31 décembre 202410,3%20,6%

Un mécanisme de lissage serait prévu quand le chiffre d’affaires excédentaire serait inférieur à
100 millions d’euros de chacun des seuils d’assujettissements instaurés par le texte.

Création d’une taxe sur les réductions de capital consécutives au rachat de leur propres titres
des grandes entreprises

Le projet prévoit l’instauration d’une taxe dont seraient redevables les entreprises ayant leur siège
social en France dont le chiffre d’affaires réalisé au cours du dernier exercice clos excède 1 milliard
d’euros en cas de réalisation d’une opération de réduction de capital à compter du 10 octobre 2024
consécutive au rachat de ses propres titres.
Cette taxe, dont le taux s’établirait à 8%, serait assise sur le montant de la réduction de capital et les
sommes qui revêtent sur le plan comptable le caractère de primes liées au capital.
Non déductible du résultat imposable, la taxe serait à déclarer et à acquitter lors du dépôt de la CA3.

Modification du régime fiscal de faveur applicable aux restructurations pour tenir compte des
dispositions de l’ordonnance du 24 mai 2023

L’ordonnance du 24 mai 2023 n °2023-393 a introduit en droit interne les fusions sans échange de
titres (le capital de la société absorbante et absorbée est réparti entre les mêmes associés et dans les
mêmes proportions avant et à l’issue des opérations) ainsi que les scissions partielles (opération
d’apport réalisée au bénéfice d’une société en contrepartie de l’attribution de titres représentatifs du
capital de cette société aux associés de la société apporteuse).

Le projet de Loi de Finances pour 2025 prévoit d’aménager le régime de faveur actuel des fusions afin
d’assurer une neutralité fiscale à ces opérations.

Report de la suppression progressive de la CVAE

Initialement prévue pour 2027, la suppression progressive de la CVAE serait reportée à 2030. L’article
15 du projet de loi de Finances prévoit ainsi que les taux applicables pour 2024 seraient prorogés
pour 2025 à 2027 (taux maximal de 0,28%) et que la suppression progressive serait alors décalée de
2028 à 2030.
Les taux seraient de 0,19% en 2028, 0,09% en 2029 et la CVAE serait supprimée en 2030.

FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Instauration d’une contribution différentielle sur les hauts revenus

Serait instaurée pour les personnes physiques dont le revenu fiscal de référence est inférieur à
250 000 euros (célibataire) ou 500 000 euros pour les couples soumis à imposition commune, une
contribution différentielle à compter de l’imposition des revenus 2024 et ce pour une durée de 3
années.
L’objectif de la mesure étant d’assurer une imposition minimum de 20 % du revenu fiscal de référence
des foyers fiscaux à « hauts revenus ». La contribution serait alors égale à la différence entre 20 % du
revenu fiscal de référence et le montant des impôts (impôt sur le revenu et contribution exceptionnelle
sur les hauts revenus).
Le projet prévoit l’application d’un mécanisme afin de tenir compte de la perception de revenus
exceptionnels. Aussi, un mécanisme de décote serait appliqué aux contribuables dont le revenu fiscal
de référence n’excède pas 330 000 euros pour un contribuable célibataire et 660 000 euros pour un
contribuable soumis à imposition commune.

Revalorisation du barème progressif de l’impôt sur le revenu

Comme chaque année, les tranches du barème progressif seraient revalorisées. Le barème
applicable aux revenus 2024 serait le suivant (article 2 du projet de Loi de Finances) :

Fraction du revenu imposable (pour une part) Taux
Inférieur à 11 520 €0 %
11 520 € – 29 373 €11%
29 373 € – 83 988 €30%
83 988 € – 180 648 €41%
Supérieur à 180 648 € 45%

Définition de la résidence fiscale


Le projet de Loi de Finances fait prévaloir la notion de résident fiscal au sens conventionnel sur celle
de résident fiscal au sens de l’article 4 B du Code Général des Impôts. Cette modification
interviendrait pour couper court à une jurisprudence (arrêt du Conseil d’Etat du 5 février 2024
(n°46977)) faisant prévaloir la notion de résidence fiscale de droit interne pour l’application de la
retenue à la source sur les salaires de l’article 182 A du Code Général des Impôts.


Durcissement du régime de la location meublée


Le projet de Loi de Finances prévoit que pour les cessions à compter du 1 er janvier 2025, les loueurs
en meublés devront, pour la détermination de la plus-value immobilière, réintégrer les amortissements
pratiqués durant la période de la location du bien.


Reconduction de l’abattement fixe de 500 000 euros pour dirigeant partant à la retraite

Le dispositif, qui devait prendre fin au 31 décembre 2024, serait reconduit jusqu’au 31 décembre
2031.


Aménagement du régime des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE)


L’article 25 du projet de loi de Finances permettrait d’inscrire des BSPCE et des titres souscrits en
exercice de ceux-ci dans un PEA/PEA-PME, ou plan d’épargne salariale et d’autre part la possibilité
de bénéficier des régimes des reports ou sursis d’imposition en cas d’apport de titres acquis en
exercice des bons et ce, à compter du 10 octobre 2024.
Le projet de Loi de Finances opérerait une distinction entre le gain d’exercice, qui serait taxé au taux
de 12,8% (ou sur option selon les règles des traitements et salaires sous conditions) et aux
prélèvements sociaux, et le gain de cession qui serait quant à lui imposé selon le régime des plus-
values mobilières des particuliers.

Contacts :


Pour plus d’informations, notre département fiscalité est à votre disposition :
Charlène Mangin, Avocat Associé • c.mangin@acd.fr
Anne Charliquart, Avocat • a.charliquart@acd.fr

Newsletter Social – Septembre 2024

Manquement de l’employeur et préjudice du salarié

La Cour de Cassation considère depuis son arrêt du 13 avril 2016 que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».

Ainsi, en cas de manquement à une obligation par l’employeur, ce manquement ne donne pas automatiquement lieu à une indemnisation pour le salarié. Le salarié doit donc apporter la preuve du préjudice que ce manquement lui a causé.

Toutefois, la Cour de cassation admet des exceptions et reconnaît que certains manquements de l’employeur donnent lieu à réparation dès leur simple constatation.

Il s’agit :

– soit de situations où l’indemnisation du manquement de l’employeur est requise expressément par un texte légal : par exemple, la perte involontaire de l’emploi dont l’indemnisation est prévue expressément par l’article L.1235-1 du code du travail ;

– soit de situations où le manquement concerne une violation d’une disposition européenne ou internationale et où il incombe aux juges nationaux d’en assurer l’effectivité en ne laissant pas sans sanction ou réparation l’atteinte portée aux droits garantis par cette disposition : par exemple, la violation de l’obligation de mise en place des élections des IRP, le non-respect des durées maximales de travail ou des durées minimales de repos.

Dans ses arrêts en date du 04 septembre 2024, la Cour de Cassation complète la liste des manquements de l’employeur ouvrant droit à réparation automatique sans que le salarié ait à justifier d’un préjudice. Sont donc visés :

– le non-respect du temps de pause quotidien, soit au moins 20 minutes dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures ;

– le fait de faire travailler un salarié durant son arrêt de travail pour maladie ;

– le fait de faire travailler une salariée durant son congé maternité.

Les salariés concernés n’auront donc qu’à établir le manquement de l’employeur à leur égard pour obtenir automatiquement réparation.

Cass. Soc. 04.09.2024, n°22-16.129 et 23-15.944
L’offre de reclassement n’est pas ferme en cas d’entretien de recrutement obligatoire

« Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (…) L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ». (Art. L1233-4 du Code du Travail).

Pour être valable, l’offre doit être écrite, précise et ferme.

Ne répond pas à ce critère de fermeté une offre portant sur un poste à créer et mal défini (Cass. soc.,. 23 juin 1998, n° 96-42.364), ou assortie d’une période probatoire ou d’une période d’adaptation, sans garantie d’attribution du poste au salarié menacé de licenciement (Cass. soc., 23 mars 2011, n° 09-71.599 ; Cass. soc., 28 mars 2012, n° 11-30.034).

La Cour de cassation précise que ce critère de fermeté exclut l’offre dans laquelle le reclassement est subordonné à un entretien de recrutement avec le salarié.

En l’espèce, le salarié à reclasser devrait faire acte de candidature sur le(s) poste(s) proposé(s) et bénéficierait de l’organisation d’un entretien avec la structure proposant l’emploi à pourvoir. En cas de pluralité de candidatures sur un même poste, cette dernière fixerait les critères permettant de faire son choix parmi les candidats. L’entretien était donc une étape obligatoire du processus de recrutement et n’avait pas pour objet spécifique de départager les salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste. Les licenciements prononcés sont donc jugés dépourvus de cause réelle et sérieuse.

Attention : l’employeur est en droit de proposer un même poste à plusieurs salariés, dès lors qu’il est adapté à la situation de chacun (Cass. soc., 19 janv. 2011, n° 09-42.736 ). Si plusieurs salariés expriment leur intérêt pour cette offre de reclassement, il est amené à départager les candidats et peut alors leur faire passer un entretien, afin de s’appuyer sur des critères objectifs pour faire son choix (Cass. soc.,11 mai 2022, n° 21-15.250 ). Un tel entretien de recrutement n’est alors pas une étape obligatoire du processus de reclassement, mais juste un moyen de départager les candidats.

Cass. soc., 11 sept. 2024, n° 23-10.460
Elections CSE et date limite de candidatures

Une candidature déposée quelques minutes à peine après l’heure limite de dépôt fixée par le protocole préélectoral, sans précision du collège et du scrutin concernés, est irrégulière.

Cass. soc. 10-7-2024 no 23-13.551 F-D
Inaptitude : preuve de la loyauté de la proposition de reclassement

Dès lors que le salarié inapte refuse une proposition de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite et l’employeur peut le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Toutefois cette présomption ne joue que si l’obligation de reclassement a été exécutée loyalement, et c’est au salarié qu’il appartient d’établir le contraire.

Ainsi, le salarié devrait discuter avec le médecin du travail et, le cas échéant, avec le CSE, de ses souhaits concernant le poste de reclassement, afin de guider les recherches de l’employeur.

Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 22-24.005
Licenciement verbal

Le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que la lettre de licenciement a été envoyée ultérieurement à l’appel téléphonique de l’employeur visant à informer le salarié de celui-ci, même si la lettre de licenciement est adressée le même jour au salarié.

Cass. soc., 3 avr. 2024, n° 23-10931
Le saviez-vous ?

Les fichiers d’une clé USB personnelle du salarié peuvent constituer un moyen de preuve recevable.

L’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.

Cependant, la production du listing de fichiers tiré de l’exploitation des clés USB était ici indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et l’atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi, de sorte que le moyen de preuve est recevable.

Cass. soc., 25 sept. 2024, n°23-13.992

Newsletter social été

Contre-visite médicale en cas d’arrêt de travail : le décret enfin publié !

L’article L. 1226-1 du code du travail autorise l’employeur à procéder à une contre visite en cas d’arrêt de travail de son salarié. Toutefois, le décret d’application n’avait jamais été publié. C’est chose faite depuis le 06 juillet 2024.

Ainsi, le salarié doit communiquer à l’employeur, dès le début de son arrêt de travail, ainsi qu’à l’occasion de tout changement, son lieu de repos s’il est différent de son domicile. Il doit également porter à sa connaissance les horaires auxquels la contre visite peut s’effectuer, s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre ».

La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur. Il se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée.

La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin :

− soit au domicile du salarié ou au lieu qu’il lui a communiqué, sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées ou aux heures communiquées par le salarié en cas de « sortie libre » ;

− soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation.

En cas d’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, le salarié en informe le médecin en en précisant les raisons.

Le médecin informe l’employeur :

− soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail ;

− soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié (notamment refus de se présenter à la convocation ou absence lors de la visite à domicile).

L’employeur transmet également sans délai cette information au salarié.

En cas d’arrêt injustifié ou d’impossibilité de procéder au contrôle, l’employeur est alors en droit de suspendre le versement des indemnités complémentaires.

Attention : en Alsace-Moselle, le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire. la contre-visite ne peut donc être organisée. (Cass. soc., 19 juin 2001, no 98-44.926).

D. du 05.07.2024, art. R. 1226-10 à R. 1226-12
Emploi illicite d’étrangers : fixation de l’amende administrative

A compter du 17 juillet 2024, les contributions spéciales forfaitaires dues par les employeurs ayant employé des salariés étrangers sans autorisation de travail sont supprimées, et remplacée par une amende administrative dont le plafond est fixé à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti, soit 20 750 euros au 1er janvier 2024 (ou 2000 fois le taux précité, soit 8300 € au 1er janvier 2024, lorsque l’employeur s’est acquitté spontanément, dans un délai de 30 jours à compter de la constatation de l’infraction, des salaires et de l’indemnité forfaitaire dus au salarié étranger au titre de la période d’emploi illicite.
Ce montant est triplé en cas de récidive dans les 5 ans

La procédure de notification est également fixée par le décret : le ministre chargé de l’Immigration informe l’auteur du manquement qu’une amende administrative est susceptible de lui être infligée et qu’il peut présenter ses observations dans un délai de 15 jours sur les faits qui lui sont reprochés

L’employeur est aussi informé de son droit de demander une copie du procès-verbal d’infraction ou du rapport sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.

Puis le ministre décide de l’application et du montant de l’amende, laquelle peut être prononcée autant de fois qu’il y a de travailleurs étrangers illégalement employés, sans préjudice d’éventuelles poursuites judiciaires.

En outre, le texte encadre la mise en œuvre de la solidarité financière à laquelle est tenu le donneur d’ordre d’un employeur engageant un étranger non autorisé à travailler, et durcit les conditions de délivrance de l’autorisation de travail.

Ainsi, celle-ci pourra être refusée si l’employeur a déjà été sanctionné pour aide à l’entrée et au séjour irrégulier en France, atteintes à la personne humaine ou faux et usage de faux, ou encore en cas de disproportion manifeste du projet de recrutement au regard de l’activité économique de l’employeur, du donneur d’ordre, de l’entreprise utilisatrice ou de l’entreprise d’accueil.

Pour rappel, chaque salarié de nationalité étrangère hors Union Européenne (et assimilés) doit être en possession d’un titre de séjour valant autorisation de travail pour être embauché.

Si tel n’est pas le cas, c’est à l’employeur de solliciter, une autorisation de travail via le site :

https://administration-etrangers-enfrance.interieur.gouv.fr/particuliers/#/

Ce n’est qu’à la réception de l’autorisation que le salarié peut être embauché.

D. n°2024-814, 9 juill. 2024, JO 16 juill
Congés payés : le salarié peut renoncer aux jours de fractionnement lors de la demande

Les salariés peuvent renoncer à titre individuel aux jours de congés supplémentaires pour fractionnement (C. trav., art. L. 3141-21 et L. 3141-23).

Cette renonciation ne se présume pas et ne peut être faite dans le contrat de travail.

La Cour de cassation a admis dès 2014 la validité d’une renonciation dans le formulaire prérempli de demande de congé (Cass. soc., 30 sept. 2014, 13-13.315).

Elle confirme donc cette solution, en jugeant que la renonciation aux jours de fractionnement peut être effectuée lors de la demande du congé principal, via un formulaire prérempli incluant une mention de renonciation que le salarié peut choisir de rayer.

Cass. soc., 19 juin 2024, n° 22-22. 435
CDD et période d’essai du CDI

En cas d’embauche en CDI sur un poste précédemment occupé en CDD par le même salarié, il est possible de prévoir une période d’essai dont il faut alors déduire la durée du CDD effectué (C. trav., art. L. 1243-11).

Ayant déjà jugé que même en cas de CDD espacés de quelques jours, leur durée totale devait être prise en compte pour fixer la durée de l’essai en CDI, elle assouplit sa décision en jugeant que des CDD antérieurs, même espacés de plusieurs semaines et conclus sur des postes différents, peuvent être déduits de la période d’essai prévue pour un CDI si ces postes sont comparables et requièrent les mêmes compétences et aptitudes.

Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.783
Le saviez-vous ?

Les difficultés relationnelles ne constituent pas forcément un motif disciplinaire de licenciement

Pour rappel, la mésentente entre salariés peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié (Cass. soc. 27- 11-2001 no 99-45.163 FS-P)

La Cour de cassation juge ici que les difficultés relationnelles et de communication persistantes causant des dysfonctionnements professionnels et générant un climat de tension permanente ne constituent pas un motif disciplinaire de licenciement. Le licenciement repose en effet sur une mésentente non fautive.

Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-12.416 F-D

Newsletter Social – Juillet 2024

Elections professionnelles : de nouvelles précisions

Le comité social et économique est l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise.

Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés. Sa mise en place n’est obligatoire que si l’effectif d’au moins 11 salariés est atteint pendant 12 mois consécutifs.

Un décret du 6 juin 2024 impose aux employeurs de fournir certaines informations, à compter du 8 juin, dans l’invitation qu’ils adressent aux organisations syndicales en vue de négocier le protocole d’accord préélectoral (PAP) avant l’élection du comité social et économique (CSE).

Cette invitation à négocier le protocole qui fixe les règles d’organisation de l’élection doit désormais comprendre, selon le nouvel article D. 2314-1-1 du code du travail, créé par le décret :

  • Le nom et l’adresse de l’employeur, ainsi que, le cas échéant, la désignation de l’établissement ;
  • L’intitulé et l’identifiant de la convention collective de branche applicable, le cas échéant ;
  • Le lieu, la date et l’heure de la première réunion mentionnée au quatrième alinéa du même article.

Le décret du 6 juin ne prévoit pas de sanction attachée au non-respect des informations envoyées par l’employeur aux organisations syndicales. La jurisprudence relative au non-respect du délai devrait s’appliquer, et n’implique donc pas la nullité du protocole préélectoral.

Pour rappel, cette invitation doit parvenir aux intéressés au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation.

Dans le cas d’un renouvellement du CSE, l’invitation doit être effectuée 2 mois avant l’expiration du mandat des délégués en exercice, le 1er tour ayant lieu dans la quinzaine de jours précédant cette expiration des mandats (C. trav., art. L. 2314-5).

Le CDD multi-remplacement : késako ?

L’article 6 de la loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 (JO, 22 déc.) a réactivé pour 2 ans une expérimentation déjà menée du 20 décembre 2019 au 31 décembre 2020 permettant, dans certains secteurs seulement, de ne conclure qu’un seul CDD ou qu’un seul contrat d’intérim pour remplacer plusieurs salariés.

On parle de « CDD multi-remplacements » ou de « contrats de travail temporaire multi-remplacements ».

Cette expérimentation a débuté le 14 avril 2023 et prendra fin le 13 avril 2025.

Les premiers secteurs autorisés à mener l’expérimentation ont été listés par un décret d’application du 12 avril 2023 (D. n° 2023-263, 12 avr. 2023 : JO, 13 avr.).

On y trouve notamment les secteurs suivants 

  • Propreté et services associés ;
  • Services à la personne ;
  • Plasturgie ;
  • Transports routiers et activités auxiliaires du transport ;
  • Boulangerie pâtisserie ;
  • Prestataires de services.

Un nouveau décret en date du 10 juin 2024 ajoute à cette liste trois nouveaux secteurs : 

  • la branche ferroviaire ;
  • la branche des réseaux de transports publics urbains ;
  • et le statut de la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Ce texte entre en application le 13 juin 2024. 

Dans ce cadre, l’employeur pourra conclure un seul contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou un seul contrat de travail temporaire (CTT) pour remplacer plusieurs salariés absents.

L’expérimentation introduit donc une dérogation à la règle selon laquelle un seul contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou un seul contrat de travail temporaire (CTT) peut être conclu pour le remplacement d’un seul salarié (absence, passage provisoire à temps partiel, suspension de contrat de travail, départ définitif précédant la suppression de poste de travail ou attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté sous contrat à durée indéterminée). 

Ainsi, chacune des personnes remplacées, et sa qualification professionnelle, doivent être impérativement mentionnées sur le CDD du salarié remplaçant.

Les autres règles de conclusion du CDD sont inchangées.

Horaires de travail : passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour

Sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur. Le changement d’horaire ne nécessite donc pas, en principe, l’accord du salarié (Cass. soc., 3 nov. 2011, n° 10-14.702).

Il en va différemment :

  • lorsque le contrat de travail prévoit précisément les horaires du salarié
  • et, selon une jurisprudence constante, lorsque ce changement d’horaire porte une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale (Cass. soc., 3 nov. 2011, n° 10-14.702).

Dans cette espèce, la solution repose sur deux constatations :

  • le salarié justifiait d’un motif lié au respect de la vie personnelle et familiale nécessitant un maintien de ses horaires de nuit.
    Il avait en effet produit la notification du versement de l’allocation d’éducation spécialisée pour sa fille âgée de sept ans et handicapée à 80 % pour laquelle la MDPH avait reconnu la prise en charge par les parents d’au moins 20 % des activités de l’enfant par une adaptation des horaires de travail ;
  • l’entreprise ne justifiait pas l’absence de poste de nuit disponible.
Le saviez-vous ?

Constitue un rappel à l’ordre et non un avertissement le courriel adressé au salarié par l’employeur, ne comportant aucune mesure à son encontre et lui demandant de faire preuve de respect, de cesser d’être agressif et de colporter des rumeurs auprès de la clientèle et des autres salariés.

Constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Si elle interdit les sanctions pécuniaires ou discriminatoires, la loi ne donne pas de liste de sanctions.

La nature et l’échelle de celles-ci doivent être fixées par le règlement intérieur quand celui-ci est obligatoire.

Newsletter Social – Juin 2024

Réforme du partage de la valeur

Deux projets de décrets d’application de la réforme transmis aux partenaires précisent notamment les modalités de calcul du seuil de 11 salariés à partir duquel les entreprises non couvertes par l’obligation de mise en place de la participation (moins de 50 salariés) et réalisant des bénéfices réguliers seront tenues de mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, plan d’épargne salariale, PER, prime de partage de la valeur etc.), à titre expérimental à compter du 1er janvier 2025 et jusqu’au 30 novembre 2028. Pour rappel, cette obligation s’imposera au titre des exercices postérieurs au 31 décembre 2024 aux entreprises de 11 à 49 salariés réalisant un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois exercices consécutifs.

De plus, 3 nouveaux cas de déblocage anticipé des sommes placées sur un PEE (plans d’épargne entreprise) sont prévus. Si le bénéficiaire n’a pas opté pour la disponibilité immédiate de ses droits, il pourrait ainsi les débloquer ultérieurement en vue de contribuer à l’achat d’un véhicule utilisant l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux comme source exclusive d’énergie (camion nette, voiture, deux ou trois roues, quadricycles à moteur), ou un cycle à pédalage assisté neuf, de les affecter à des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale ou en vue de soutenir l’activité de proche aidant exercée par l’intéressé, son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Cette dernière faculté de déblocage pourrait intervenir à tout moment et n’aurait donc pas à être demandée en respectant un délai de six mois.

Le plafond global des abondements de l’employeur au PEE serait en outre rehaussé de 8 à 16 % du Pass en cas d’abondement unilatéral destiné à l’acquisition d’actions de l’entreprise, et le plafond de versement unilatéral de l’employeur aux PEE, Perco et PER serait quant à lui fixé à hauteur du plafond d’exonération de la prime de partage de la valeur (soit 3000 € ou 6000 € selon les situations) si cet abondement est destiné à l’acquisition d’actions de l’entreprise.

Le projet fixe les modalités de mise en œuvre du plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE), qui permet au salarié de percevoir une prime correspondant à un montant de référence multiplié par le taux de variation de la valeur de l’entreprise à l’issue d’un délai de trois ans. Ce plan devrait ainsi être déposé sur la plateforme Télé Accords (accords-depot.travail.gouv.fr), l’Administration disposant alors d’un délai de 3 mois pour contrôler l’accord à l’origine du PPVE, dans les mêmes conditions que pour les autres dispositifs d’épargne salariale.

Enfin, les décrets encadrent et renforcent l’information des salariés concernés par une avance sur intéressement ou participation, et fixent les modalités de l’affectation de la PPV à un plan d’épargne salariale.

Reste à charge sur le CPF

Si le titulaire du CPF a suffisamment de droits acquis sur son compte, il devra s’acquitter d’une participation forfaitaire de 100 euros (montant relevé chaque année par arrêté), payée via la plateforme Mon Compte Formation.

Cette participation peut être prise en charge par l’employeur ou par un OPCO, mais n’est pas due par les demandeurs d’emploi et par les salariés dont la formation est en partie financée par un abondement de l’employeur.

Deux nouveaux cas d’exonération du reste à charge sont créés pour le financement d’actions en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à certains facteurs de risques professionnels, ou lorsqu’il fait usage de l’abondement prévu à l’article L 432-12 du CSS, versé à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle atteinte d’une incapacité permanente supérieure ou égale à 10 %.

Par ailleurs, les conditions pour s’inscrire au permis de conduire via le compte personnel de formation évoluent à compter du 19 mai 2024, les salariés ne pouvant plus utiliser leur CPF pour financer une formation de conduite s’ils sont déjà titulaire d’un permis leur permettant de conduire un autre type de véhicule.

D. n° 2024-394 du 29.04.2024 et n° 2024-444 du 17.052024
Attention à l’information sur le régime social et fiscal de l’IRC !

L’information erronée donnée au salarié sur l’exonération de cotisations sociales et de CSG-CRDS de l’indemnité de rupture conventionnelle, alors que le salarié était en droit de faire valoir ses droits à retraite, est de nature à vicier le consentement du salarié. La rupture est donc nulle, peu important la bonne foi de l’employeur.

CA Toulouse, 1er mars 2024, n° 22/0316
Remise de tickets restaurant : pensez à conserver une preuve !

L’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut pas valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus.


Dès lors, la mention sur un bulletin de paie de l’attribution de tickets restaurants ne suffit pas à démontrer leur remise effective au salarié. Il vous faudra donc prouver par un autre moyen que vous avez bien remis ses tickets-restaurant au salarié, ou passer aux titres restaurant dématérialisés pour éviter toute difficulté.

Cass. soc. 2-5-2024 no 22-12.415 F-D
Recenser les données personnelles de salariés, même trouvées en accès libre sur Internet, est un délit

Commet un délit l’enquêteur qui collecte sur Internet, à la demande d’un employeur, et à l’insu des salariés, les données en accès libre les concernant (antécédents judiciaires, véhicules, propriétés, qualité de locataire ou de propriétaire, situation matrimoniale, santé, déplacements à l’étranger), de telles données ayant l’objet d’une utilisation sans rapport avec l’objet de leur mise en ligne et ayant été recueillies à l’insu des personnes concernées, ainsi privées du droit d’opposition institué par la loi informatique et libertés.


L’accès en partie libre aux données collectées par le prévenu ne retire en rien au caractère déloyal de cette collecte dès lors qu’une telle collecte, de surcroît, réalisée à des fins dévoyées de profilage des personnes concernées et d’investigation dans leur vie privée, à leur insu, ne pouvait s’effectuer sans qu’elles en soient informées. Dès lors, cette collecte constitue un délit, puni en l’espèce d’une amener de 20 000 euros et d’un an d’emprisonnement avec sursis.

Cass. crim., 30 avr. 2024, n° 23-80.962
Licéité de la clause de remboursement anticipé du prêt consenti au salarié

Une clause prévoyant que le remboursement du prêt consenti au salarié sera anticipé en cas de départ du salarié de l’entreprise, ne constitue pas une condition illicite dès lors que l’anticipation de ce remboursement relève tant de l’initiative de l’employeur en cas de licenciement que de celle du salarié en cas de démission.


Encore faut-il que le licenciement repose sur une cause réelle ou sérieuse

Cass. soc. 2-5-2024 no 22-17.878 F-D
Le Saviez Vous ?

Le RRH dissimulant une relation intime avec une salarié en charge de mandats syndicaux commet un manquement à son obligation de loyauté

Cette relation intime étant en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié manque à son obligation de loyauté envers son employeur, ce manquement rendant impossible son maintien dans l’entreprise, peu important qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit ou non établi.

Cass. Soc., 29 mai 2024, n°22-16.218

Newsletter Social – Mai 2024

Congés payés et arrêt maladie : décryptage de la loi

Tout arrêt de travail ouvre désormais droit à congés payés, quelle qu’en soit l’origine :

  • Les arrêts de travail pour maladie non-professionnelle, dans la limite de 2 jours ouvrables par mois et 24 jours ouvrables par période de référence, soit 4 semaines de congés payés.
  • Les arrêts de travail pour AT/MP, quelle que soit leur durée, à raison de 5 semaines de congés payés par période de référence.

Le report de congé pourra être effectué dans la limite de 15 mois à compter de la reprise par le salarié de son poste de travail, mais le point de départ de ce délai varie selon que ces congés ont été acquis :

  • avant l’arrêt de travail : la période de report de 15 mois débute à compter de la date à laquelle le salarié reçoit postérieurement à sa reprise du travail, les informations de son employeur sur les congés dont il dispose. Au-delà de cette période, les congés seront perdus si le salarié ne les prend pas alors que l’employeur l’a informé et lui a demandé de les prendre.
  • au cours de l’arrêt de travail : la période de report de 15 mois débute à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu, en raison de la maladie ou de l’accident, depuis au moins un an. Lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n’a pas expiré, est suspendue jusqu’à ce que le salarié ait reçu les informations de son employeur sur les congés dont il dispose.

Une obligation d’information pèse donc sur l’employeur puisqu’à l’issue d’un arrêt de travail pour maladie ou accident, il doit informer le salarié du nombre de jours de congé dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris. Cette information doit intervenir dans le mois suivant la reprise du travail par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie.

Ces nouvelles dispositions sont rétroactives au 1er décembre 2009.

Toutefois, des délais de forclusion ont été fixés par le législateur :

  • si le salarié est encore dans l’entreprise, il aura 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi pour réclamer le rappel sur ses droits à congés payés, étant précisé que dans ce cas, il ne pourra pas obtenir une indemnisation, mais uniquement des jours de congés payés ;
  • si le salarié n’est plus dans l’entreprise, il pourra obtenir un rappel sur l’indemnité compensatrice de congés payés en bénéficiant de la prescription triennale classique en matière de rappels de salaires.

Contre toute attente, aucune saisine du Conseil constitutionnel n’a été effectuée, la loi ayant donc été promulguée au Journal officiel et étant donc pleinement applicable.

LOI DDADUE n° 2024-364 du 22 avril 2024

Art. L3141-5 et s. du Code du Travail

Heures supplémentaires et contingent annuel

Les heures supplémentaires sont les heures effectuées audelà de la durée légale du travail, ou de la durée considérée comme équivalente

Elles donnent lieu au paiement d’une majoration de salaire, pouvant être remplacée en tout ou partie par un repos compensateur, si un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche le prévoit ou par décision de l’employeur dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, à condition que le CSE, s’il existe, ne s’y oppose pas (C. trav. art. L 3121-37).

Les heures remplacées par cette compensation en repos ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires, mais attention : encore faut-il que le salarié ait pu bénéficier effectivement de ces heures de repos dans leur intégralité.

Cass. soc. 13-3-2024 n° 22-11.708
La rupture conventionnelle peut être signée le jour de l’entretien préalable

Un délai minimal est-il imposé entre la tenue de l’entretien et la signature de la convention, afin de permettre un délai de réflexion aux deux parties ?

La Cour de cassation répond négativement à cette question et rejette ainsi la demande de nullité de la rupture conventionnelle d’un salarié qui prétendait ne pas avoir bénéficié d’une liberté de consentement en raison de la signature de la convention de rupture dès le premier entretien.

Or, ainsi que le rappelle la Cour, l’article L 1237-12 du Code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l’article L 1237-11 du Code du travail, seules étant prévues à titre de nullité la tenue de l’entretien préalable, la remise de l’un des exemplaires de la convention et le respect du délai de rétractation de 15 jours.

Cass. soc. 13-3-2024 n° 22-10.551
Suppression de l’aide au recrutement des alternants

L’aide exceptionnelle au recrutement des jeunes en contrat de professionnalisation, d’un montant de 6 000 euros, sera prochainement supprimée, malgré la prolongation prévue du dispositif au 31 décembre 2024.

Le projet de décret a été envoyé pour avis aux partenaires sociaux, et pourrait être publié dans les prochains jours au Journal officiel.

En revanche, cette aide est maintenue pour le recrutement des apprentis.

Décret n° 2023-1354 du 29 déc.2023
N’oubliez pas la DOETH !

Toutes les entreprises d’au moins un salarié doivent procéder à la déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH), chaque mois, via la DSN, conformément à l’article D5212-4 du code du travail.
Par ailleurs, chaque entreprise de 20 salariés et plus a l’obligation d’employer des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur de 6 % de son effectif, et effectuer chaque année une DOETH dans la DSN du mois d’avril, en plus des déclarations mensuelles.

Lorsqu’elle ne remplit pas cette obligation, l’entreprise doit verser une contribution annuelle. Cette déclaration est donc à effectuer le 06 ou le 15 mai 2024.

Un guide est à disposition sur www.net-entreprises.fr

Le bénéfice des activités sociales et culturelles ne peut pas être lié à l’ancienneté du salarié

Lorsqu’il existe un CSE dans l’entreprise, il dispose d’un monopole de gestion des ASC, et décide donc de leur octroi. Une règle s’impose cependant : les ASC doivent bénéficier à l’ensemble du personnel, sans discrimination, le CSE pouvant seulement moduler les prestations en fonction de critères sociaux, objectifs, prédéterminés et connus de tous.

Dans un arrêt important, la Cour de cassation juge que l’ancienneté est un critère illégal dans le cadre de l’octroi des ASC par le CSE. Ce critère étant régulièrement appliqué, bon nombre de CSE vont devoir revoir leurs pratiques, sous peine de s’exposer à un risque de redressement par l’URSSAF.

Cass. soc., 3 avr. 2024, n° 22-16.812
Le Saviez Vous ?

Un plaisir solitaire, même dans le véhicule professionnel, relève de la vie privée du salarié

En principe, un fait tiré de la vie personnelle ne peut pas constituer une faute du salarié dans la relation de travail, et ne peut donc pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié ou caractérise un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.

La Cour de cassation juge que le fait pour un salarié de s’être masturbé dans le véhicule professionnel mis à sa disposition par l’employeur ne peut pas se rattacher à sa vie professionnelle, dès lors que les faits se sont déroulés en dehors de son temps de travail, et ne caractérise pas un manquement aux obligations découlant du contrat de travail. Il ne peut donc pas justifier un licenciement disciplinaire.

Cass. soc. 20-3-2024 n° 22-19.170

Newsletter Social – Avril 2024


Congés payés et arrêt maladie : une solution législative ?

L’Assemblée Nationale a adopté l’amendement n°44, déposé par le Gouvernement le 15 mars 2024, sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne.

Il prévoit notamment :

– L’assimilation des périodes de maladie simple à un temps de travail effectif ;

– La suppression de la limite d’un an pour l’acquisition de congés payés pour les accidents ou maladies professionnelles ;

– Une limitation du nombre de jours de congés payés acquis pendant la maladie 2 jours (au lieu de 2,5) et 24 jours ouvrables (au lieu de 30) par période de référence ;

– Un report des congés possible durant une période de 15 mois (sauf durée supérieure fixée par accord d’entreprise d’établissement ou une convention de branche) à compter du retour du salarié, à condition que l’employeur porte à sa connaissance dans les 10 jours, les informations relatives au nombre de jours dont il dispose et la date limite à laquelle ils pourront être pris.

Pour régler les difficultés liées au rattrapage des congés payés sur les périodes antérieures au vu des décisions de la Cour de Cassation du 13 septembre 2023, les nouveaux textes seraient applicables rétroactivement pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la prochaine de la nouvelle loi.

Concernant les périodes pour lesquelles les salariés pourraient solliciter des rappels de congés payés, une distinction est faite entre les différents cas :

  • Lorsque le contrat de travail a été rompu, à raison d’un départ volontaire, d’un licenciement ou d’un départ à la retraite : c’est la prescription classique de trois ans prévue pour les actions en paiement de salaires (art. L. 3245-1 du code du travail) qui s’appliquerait.
  • Lorsque le contrat de travail est toujours en cours au moment de leur demande : les salariés ne pourront demander qu’à prendre les congés payés en cause, mais pas d’indemnité compensatrice. Ils devront agir au plus tard dans les 2 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, et réclamer leurs droits sur les 3 années non prescrites.

Le processus d’adoption de ce texte se poursuit en commission mixte paritaire. Le texte pourrait être adopté le 10 avril 2024.

Amendement n°44 du 15.03.2024
Vers une simplification de la vie des entreprises

Cinq parlementaires ont remis à Bruno Lemaire un ensemble de mesures destinées à simplifier la vie des entreprises.

Parmi elles :

-Réduire le délai de contestation du licenciement à 6 mois (contre 12 actuellement), et plus globalement l’ensemble des délais contentieux, notamment prud’homaux,
-Relever les seuils de déclenchement des obligations sociales (250 salariés pour mettre en place la BDESE, le règlement intérieur, etc.),
-Permettre aux TPE/PME de déroger « provisoirement et de manière sélective » aux accords de branche avec l’accord du salarié,
-Abaisser le seuil minimal de temps partiel (24h actuellement),
-Remplacer les autorisations de l’Inspecteur du travail en matière de durée du travail par de simples déclarations (dépassement des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, définition du travail de nuit, etc.),
-Simplifier la déclaration des arrêts de travail (simple transmission de l’arrêt à l’Assurance maladie par le médecin prescripteur ou l’assuré),
-Dépénaliser les niveaux de sanctions en cas de manquement, de bonne foi, des dirigeants à des obligations déclaratives.

Rapport parlementaire, « Rendre des heures aux Français, 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises », 15 févr. 2024
Prime de bilan : attention à l’usage !

L’usage est constitué dès que les critères de généralité, constance) et fixité sont remplis.

Ainsi, la Cour de Cassation rappelle que lorsqu’une prime est versée chaque année, qu’elle est accordée à tous les salariés ou à une catégorie spécifique d’entre eux et que son mode de calcul est déterminé, soit par les textes officiels, soit par un usage d’entreprise (ou un engagement unilatéral de l’employeur), l’employeur est tenu de la payer. Il en est ainsi d’une prime de bilan, peu important que l’employeur l’ait qualifiée de « prime exceptionnelle ».

Ainsi, tant que l’usage n’est pas régulièrement dénoncé, les salariés pourront en réclamer l’application. Pour procéder à cette dénonciation, l’employeur doit consulter son CSE, puis informer chaque salarié individuellement en respectant un délai raisonnable avant la prise d’effet de l’usage pour permettre d’éventuelles négociations.

La durée de ce délai de prévenance est à apprécier en tenant compte de la nature et de la périodicité de l’avantage dénoncé, la jurisprudence admettant selon les cas des délais variant de 3 mois à 1 an.

Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-17.451 D
Faut – il déclarer un acompte en DSN ?

Dans une actualité publiée sur le site net-entreprises.fr, le GIP Modernisation des déclarations sociales rappelle que les acomptes étant gérés « hors paie » par les entreprises, ils ne sont pas à renseigner en DSN (déclaration sociale nominative) en tant que tel.

En conséquence, la fiche consigne 2664 est supprimée car « nulle et non avenue ».

Net-entreprises, actualité, 22 mars 2024
La suspension du contrat de travail du personnel d’un établissement social et médico-social non vacciné contre la Covid-19 n’est pas une sanction disciplinaire.

En effet, l’employeur n’a aucun pouvoir d’appréciation quant à la portée du comportement du salarié, et n’a aucune possibilité de fixer la durée de la suspension du contrat de travail.

La décision de suspension du contrat n’est donc pas subordonnée au respect des droits de la défense.

Cass. soc. 13-3-2024 n° 22-24.712 FS-D
Le saviez-vous ?

La Cour de cassation rappelle qu’un management nocif justifie un licenciement pour faute grave, sans qu’il soit exigé que des agissements de harcèlement moral soient caractérisés.

Dans la première affaire, la Cour sanctionne une directrice d’EHPAD pour son mode de gestion inapproprié, de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés, qui était de nature à caractériser un comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise et justifiait donc son licenciement pour faute grave.

Dans la seconde affaire, c’est son comportement, constitué de critiques, moqueries, violence verbale et physique, déstabilisation dans les relations professionnelles et manipulation, et qui dès lors représentait une source de souffrance au travail pour ses collègues, qu’une salariée se voit reprocher dans le cadre de son licenciement pour faute grave, à juste titre selon la Cour de cassation.

La Haute Cour entend ainsi mettre l’accent sur la distinction entre obligation de prévention des risques professionnels, et interdiction des actes de harcèlement moral et écarte le raisonnement tendant à conditionner la faute grave à la caractérisation d’une situation de harcèlement moral.

Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-14.385 F-D
Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-23.620 F-D

Newsletter Social – Février 2024

Refus d’un CDI après un cdd : les obligations de l’employeur

Depuis le 1er janvier 2024, l’employeur qui souhaite proposer un CDI au salarié à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim doit le faire par écrit, dès lors que la proposition porte sur le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail.

Si le salarié refuse, l’employeur doit en informer France Travail dans le mois, au moyen d’un formulaire, par voie dématérialisée sur la plateforme accessible à l’adresse suivante : https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail.

Le salarié risque d’être privé de son allocation d’assurance chômage s’il est constaté que l’intéressé a refusé à deux reprises, au cours des 12 mois précédents, une proposition de CDI sur un emploi identique ou similaire.

C. trav., art. L.1243-11-1, L.1251-33-1, R.1243-11-1 et R. 1251-11-1 (pour le contrat d’intérim)

Arr. 3 janv. 2024 : JO, 10 janv.

Renforcement du contrôle des OPCO

Les OPCO peuvent vérifier l’exécution des actions de formation par un contrôle sur pièces (factures, relevés de dépenses supportées par l’employeur et certificat de réalisation établi par le dispensateur de l’action, ainsi que tout document complémentaire nécessaire pour s’assurer de la réalisation de l’action qu’il finance et de sa conformité aux dispositions légales, réglementaires et conventionnelles). Ils peuvent désormais contrôler la qualité des actions de formation.

L’OPCO peut ainsi refuser une prise en charge lorsque le prestataire de formation ou l’employeur :

– ne fournit pas l’ensemble des pièces prévues ou demandées lors d’un contrôle de service fait ;

– s’oppose au contrôle de la qualité des actions ;

– n’exécute pas une ou plusieurs actions.

Tout manquement, ou, pour les formations par apprentissage, toute incohérence entre le contenu de la formation proposée et le référentiel de compétences du diplôme concerné sera signalé par l’OPCO aux services de l’Etat chargés du contrôle de la formation professionnelle, et les manquements constatés dans l’exécution du contrat de travail de l’apprenti ou du contrat de professionnalisation seront à l’Inspection du travail.

D. n° 2023-1396, 28 déc. 2023 : JO, 31 déc. 2023

Nouvelle dérogation au délai de carence pour le versement des IJSS

Depuis le 1er janvier 2024, la salariée ayant subi une fausse couche ou une interruption médicale de grossesse peut bénéficier d’un arrêt de travail sans délai de carence, et sera donc indemnisée par la Caisse d’assurance maladie dès le 1er jour de son arrêt.

L. n° 2023-1250, 26 déc. 2023 : JO, 27 déc. L. n° 2023-567, 7 juill. 2023 : JO, 8 juill
Inaptitude : obligation de reprendre le versement du salaire malgré le refus de reclassement

Les juges d’appel avaient considéré que dans la mesure où l’employeur avait respecté les conditions posées par le code du travail en matière de reclassement, l’article L. 1226-4 du code du travail n’avait pas vocation à s’appliquer.

Erreur de raisonnement selon l’éminente juridiction qui va censurer la décision sur cette dernière inférence.

En effet, la circonstance que l’employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail.

Cass. Soc. 10 janv. 2024, FS-B, n°21-20.229
Discrimination syndicale : l’étendue de la compétence du juge judiciaire en cas d’autorisation administrative de licenciement

Dans le cas où l’employeur sollicite l’autorisation de licencier le salarié, il appartient à l’administration de vérifier si la mesure de licenciement envisagée n’est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé.

Par conséquent, l’autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n’a eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif.

Il en résulte que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, annuler le licenciement pour motif économique du salarié sur le fondement d’une discrimination syndicale subie par ce dernier.

Cass. Soc. 17 janv. 2024, F-B, n° 22-20.778
Temps de pause, des durées maximales de travail et du temps de repos : la charge de la preuve repose sur l’employeur.

Une salariée sollicitait la condamnation de l’employeur pour non-respect de ses temps de pause, du repos quotidien, durée maximale quotidienne de travail et durée maximale hebdomadaire au cours d’une même semaine. Alors que la Cour d’appel la déboute en considérant qu’elle n’établit pas suffisamment les manquements de l’employeur, la Cour de Cassation casse l’arrêt en jugeant que les dispositions de l’article L 3171-4 du Code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et de ceux fixés par les articles L 3121-16, L 3121-18, L 3121-20 et L 3131-1 du Code du travail.

C’est donc à l’employeur de prouver qu’il a bien respecté ces dispositions, tout manquement pouvant donner lieu à l’indemnisation du préjudice subi par le salarié.

Cass. Soc. 17-1-2024 no 22-20.193 F-D
L’avis de contrôle URSSAF non signé est valable

L’article R 243 -59 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas que la signature de l’avis par les agents chargés du contrôle constituerait une formalité substantielle. L’absence de signature de la mise en demeure n’en affecte donc pas la validité dès lors que l’organisme qui la délivre y est mentionné.

CA Aix en Provence, 23 nov. 2023, n° 21-16
Le Saviez Vous ?

L’absence injustifiée n’est pas toujours une faute grave

La faute grave, justifiant le licenciement, et privant le salarié de l’indemnité de licenciement et de préavis, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Or, selon la Cour de cassation, l’absence injustifiée ne constitue pas une faute grave, mais uniquement une cause réelle et sérieuse de licenciement, au regard contexte tenant à l’importante ancienneté du salarié (22 ans), à son passé disciplinaire irréprochable et à la nécessité de porter assistance à sa mère âgée, malade et isolée.

Rappelons que l’employeur peut le mettre en demeure de justifier son absence ou de reprendre son poste dans un délai de 15 jours, par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge. A défaut, le salarié s’expose à être considéré comme démissionnaire, et dès lors privé de l’assurance chômage. (ar.L1237-1-1).

Cass. soc. 17-1-2024 no 22-24.589 F-D

Newsletter Social – Janvier 2024

Réévaluation du SMIC au 1er janvier 2024

Au 1er janvier 2024, le SMIC augmentera de 1.13%.

Le SMIC horaire passe donc à 11.65 euros, soit un minimum mensuel de 1 766.96 euros.

Réforme de la P.P.V

Le régime de la prime de partage de la valeur (P.P.V.) est modifié depuis le 1er décembre 2023 :

  • Deux primes peuvent être versées par l’employeur, ce qui était impossible jusqu’à présent.

L’employeur qui aurait donc déjà versé une PPV en cours d’année peut conclure un nouvel accord collectif, ou édicter une nouvelle décision unilatérale prévoyant le versement d’une seconde prime.

Les critères de calcul et de versement peuvent donc être différents de ceux retenus pour la première prime. Attention cependant : c’est le montant total des deux primes qui doit être pris en compte pour apprécier les limites d’exonération, qui n’ont pas été modifiées ;

  • Le régime fiscal et social fixé jusqu’au 31 décembre 2023 est prorogé jusqu’au 31 décembre 2026 pour les salariés appartenant à une société de moins de 50 salariés.

Leur P.P.V. sera donc exonérée de l’impôt sur le revenu, des cotisations salariales et des contributions sociales y compris de la CSG et de la CRDS, dans la limite de 3 000 € par an et par bénéficiaire (ou dans la limite de 6 000 euros si l’entreprise est dotée d’un accord d’intéressement ou de participation).

Les salariés dont la rémunération est au moins égale à 3 fois le Smic annuel ne bénéficient cependant pas de l’exonération fiscale ;

  • A compter du 1er décembre 2023, si le salarié ne remplit pas les conditions visées précédemment pour bénéficier du régime fiscal favorable, il pourra défiscaliser sa prime en l’affectant en tout ou partie dans un plan d’épargne salariale (PEE, PEI ou Perco s’il en existe) ou dans un plan d’épargne retraite.

L. n° 2023-1107, 29 nov. 2023, art. 9 et 11 : JO, 30 nov.

Communication de la liste des emplois en CDI aux salariés en CDD et intérimaires

Depuis le 1er novembre 2023, le salarié en CDD ou intérimaire ayant au moins 6 mois continus d’ancienneté peut demander à l’employeur, par tout moyen conférant date certaine, la liste des emplois à pourvoir en CDI dans l’entreprise.

L’employeur devra répondre sous 1 mois au plus tard, par écrit (sauf pour les particuliers employeurs ou les entreprises d’au moins 250 salariés recevant ayant déjà reçu une demande du même salarié, et si la réponse est inchangée).

Il ne pourra refuser de répondre que s’il a déjà fourni la liste des postes disponibles au salarié et que celui-ci a déjà formulé au moins deux fois sa demande au cours de l’année civile.

Décret 2023-1004 du 30 oct. 2023
Procédure liée au refus de deux offres de CDI après un CDD

Depuis le 1er janvier, l’employeur qui envisage de recruter un salarié en CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat de mission doit lui notifier sa proposition en lui laissant un délai de réflexion raisonnable.

En cas de refus du salarié, il sera désormais tenu d’en informer l’opérateur France Travail (ex-Pôle emploi) dans un délai d’un mois.

Le salarié refusant deux propositions de CDI sur une période de 12 mois sera pour sa part privé de ses droits à indemnisation du chômage.

Décret 2023-1307 du 28 déc. 2023
Aide à l’embauche des alternants prolongée

L’aide exceptionnelle à l’embauche d’alternants qui arrivait à terme au 31 décembre 2023 a été prolongée au titre des contrats d’apprentissage et de professionnalisation conclus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024 par le décret no2023-1354 du 29 décembre 2023.

Ce dispositif, qui devrait être maintenu jusqu’en 2027, ouvre droit à une aide exceptionnelle, versée pour la première année d’exécution
Du contrat, dont le montant s’élève à 6 000 €.

Elle complète l’aide unique à l’apprentissage afin de couvrir l’ensemble des embauches d’alternants préparant une certification au plus de niveau master ou bac + 5.

Décret n° 2023-1354 du 29 déc.2023
Mode de preuve déloyale

Jusqu’alors la Cour de cassation considérait qu’une preuve obtenue à l’insu de l’intéressé ou au moyen d’une manœuvre ou d’un stratagème devait systématiquement être écartée des débats en cas de contentieux et donc être déclarée irrecevable. Elle opère un revirement à ce sujet par des arrêts en date du 22 décembre 2023.

Désormais, il y a lieu de considérer que l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Il faut ainsi que la production de preuve portant atteinte à certains droits soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. C’est ainsi que des enregistrements clandestins ont été déclarés recevables bien que obtenus de manière déloyale. Contrairement à une preuve provenant d’une messagerie privée Facebook.

Soc. 22 déc.2023, n°20-20.648, n021-11.330 BR
Remboursement frais de carburant

Lorsque le salarié utilise le véhicule de l’entreprise, et que l’employeur ne s’est engagé à prendre en charge que les dépenses effectuées à des fins professionnelles, il peut obtenir le remboursement des dépenses d’essence exposées à titre personnel par le salarié au moyen de la carte essence mise à sa disposition.

Cass. Soc., 8-11-2023 n° 22-10.384 F-D, Sté Bouygues immobilier c/S.
Le Saviez Vous ?

Le salarié qui suit une formation pendant un arrêt de travail ne commet pas nécessairement une faute grave

Un salarié embauché en CDD par un Office du tourisme en tant que chargé de mission est placé en arrêt maladie, au cours duquel il suit une formation de personnel navigant commercial auprès d’une compagnie aérienne.

L’employeur, considérant qu’il a commis une faute grave, rompt le CDD de manière anticipée.

Or, la Cour de Cassation rappelle que l’exercice par le salarié en arrêt de travail d’une activité non concurrente à celle de l’employeur ne constitue pas en soi un manquement à son obligation de loyauté, et que faute de démontrer un préjudice – qui ne peut être caractérisé par le seul fait que l’employeur ait procédé à un maintien de salaire – l’employeur ne peut rompre le contrat de travail pour faute grave.

Cass. Soc. 6-9-2023 n° 21-24.434 F-D

Projet de Loi de Finances 2024

I. IMPOSITION DES RESULTATS

  • Transposition en droit interne de la Directive « PILIER 2 » ou l’imposition minimum mondiale :

L’article 4 du projet de loi de finances transpose en droit interne la Directive dite « Pilier 2 » UE 2022/2523 du 14 décembre 2022, en soumettant à une imposition minimum de 15 % les groupes multinationaux ou nationaux (groupe dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 750 millions au cours d’aux moins deux des quatre exercices passés).

Dans le cas où le taux effectif d’imposition d’un groupe multinational ou national serait inférieur dans un Etat à 15 %, un impôt complémentaire devrait être versé.

  • Crédit d’impôt investissement industrie verte

Ce crédit d’impôt investissement dans l’industrie verte, ou « C3IV », s’appliquerait aux entreprises réalisant des investissements tant corporels (bâtiments, installations, équipements, machines et terrains d’assise nécessaires au fonctionnement de ces derniers équipements) qu’incorporels (droits de brevet, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle) engagés pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur.

Le taux du crédit d’impôt serait établi à 20 % du montant des dépenses éligibles (le taux pourrait être porté de 25 % à 60 % en fonction du lieu d’investissement et de la taille de l’entreprise).

Le plafond de droit commun du crédit d’impôt serait de 150 millions d’euros par entreprise (porté à 200 millions et 350 millions pour les investissements dans certaines zones). 

Ce crédit d’impôt ne pourrait être accordé que sur agrément préalable délivré après avis conforme de l’Ademe (Agence de la transition écologique). 

  • Création d’un nouveau zonage « France Ruralité Revitalisation » et prorogation de certains dispositifs d’aides existant

L’article 7 du projet de loi de finances prévoit la prorogation des dispositifs applicables en principe jusqu’au 31 décembre 2023 (zones d’aides à finalité régionales, zones de développement prioritaire, zones de revitalisation du commerce en centre-ville, bassins urbains à redynamiser, zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises). 

Aussi, les zones actuelles de revitalisation rurale, bassins d’emploi à redynamiser et zone de revitalisation des commerces en milieu rural seraient refondues en une zone unique « France Ruralité Revitalisation » dans laquelle s’appliqueraient les dispositifs de faveur d’exonération d’impôt sur les bénéfices, de taxe foncière et de CFE.

II. IMPOT SUR LE REVENU

  • Revalorisation des tranches du barème progressif

Les tranches du barème progressif de l’impôt sur le revenu seraient revalorisées de 4,8 %. Le nouveau barème serait donc le suivant :

Fraction du revenu imposable pour une partTaux d’imposition applicable à la tranche
Jusqu’à 11 924 €0 %
De 11 924 € à 28 797 €11 %
De 28 797 € à 82 341 €30 %
De 82 341 € à 177 106 €41 %
Supérieur à 177 106 €45 %

III. TVA

  • Modification du régime de la franchise en base (transposition directive)

L’article 10 du projet de loi de finances, qui transpose la Directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020, prévoit de modifier d’une part le champ d’application territorial de la franchise en base de TVA et d’autre part les seuils d’application de la franchise.

S’agissant du champ d’application territorial, la franchise en base bénéficierait aux assujettis établis dans un état membre de l’Union Européenne dans leur état d’établissement mais également dans les autres Etats Membres, lorsque leur chiffre d’affaires n’excéderait pas 100 000 euros au niveau européen (lors de l’année précédente et en cours). 

S’agissant des limites d’application de la franchise en France, elles seraient désormais les suivantes :

 Chiffre d’affairesChiffre d’affaires pour les prestations de services (autres que les ventes à consommer sur place et prestations d’hébergement)
Année civile précédente85 000 €37 500 €
Année en cours93 500 €41 250 €

La franchise cesserait de s’appliquer immédiatement en cas de dépassement du plafond fixé pour les opérations de l’année en cours. Elle cesserait également de s’appliquer dans les autres Etats Membres en cas de dépassement du plafond global européen de 100 000 euros.

  • Modification du régime de TVA à l’importation et vente à distance en vue de lutter contre la fraude

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un dispositif pour lutter contre la fraude à la TVA et plus particulièrement contre le « dropshipping » (pratique consistant pour un intermédiaire, à acheter un bien situé en territoire tiers et à le revendre en ligne en France sans jamais en disposer physiquement). Ces derniers deviendraient redevables de la TVA à l’importation sur les ventes à distance de biens importés.

IV. IMPOTS LOCAUX

  • Exonération de taxe foncière pendant 15 ans sur les logements sociaux achevés depuis moins de 40 ans

Le projet de loi de finances instaure une exonération de taxe foncière d’une durée de 15 années en cas de réalisation de travaux de rénovation importants en termes de performances énergétiques (permettant le passage d’une classe énergétique F ou G à une classe A ou B) et d’accessibilité, de sécurité d’usage sanitaire et de qualité sanitaire. L’exonération serait subordonnée à l’obtention d’un agrément et sa durée pourrait être portée à 25 ans pour les demandes d’agrément déposées jusqu’au 31 décembre 2025.

  • Suppression de la CVAE reportée (sauf pour les redevables de la cotisation minimum)

Le report annoncé de la suppression de la CVAE est aménagé par l’article 8 du projet de loi de finances qui prévoit une suppression totale à compter de 2024 de la CVAE pour les redevables de la cotisation minimum et une suppression définitive pour les autres redevables en 2027. Pour ces derniers, le taux serait progressivement abaissé à 0,28 % en 2024, à 0,19 % en 2025, à 0,09 % en 2026.

De même, le taux de plafonnement de la CET serait porté à 1,531 % pour 2024, à 1,438 % pour 2025, à 1,344 % pour 2026 et à 1,25 % compter de 2027.

V. CONTROLE FISCAL

  • Prix de transfert

Le seuil de chiffre d’affaires rendant obligatoire la constitution d’une documentation complète de la politique de prix de transfert et sa communication en début de contrôle serait abaissé à 150 millions d’euros (contre 400 millions actuellement). Parallèlement, le montant de l’amende pour non-respect de cette obligation serait porté de 10 000 € à 50 000 €.

Le projet de loi instaure également une présomption de transfert de bénéfices lorsque la méthode de détermination de prix de transfert déclarée n’est pas celle suivie.

Aussi, le délai de reprise de l’administration serait porté à 6 années pour lui permettre de procéder au contrôle des prix de cession d’actifs incorporels dont la valeur pourra être rectifiée en tenant compte des résultats postérieurs à l’opération.

  • Collecte des données disponibles en ligne et possibilité de procéder à des enquêtes sur internet et les réseaux sociaux

Le projet de loi proroge de deux années le dispositif expérimental permettant à l’administration de collecter des données sur les plateformes en ligne. Initialement restreint aux données librement consultables en ligne, le projet de loi de finances prévoit d’étendre la mesure à la collecte de données sur des plateformes nécessitant l’inscription à un compte.

L’administration pourrait également procéder à des enquêtes sur internet, les réseaux sociaux et messagerie en ligne en utilisant des pseudonymes.

  • Création d’un nouveau délit de mise à disposition d’instruments de facilitation à la fraude

L’article 20 du projet de loi de finances crée un nouveau délit de mise à disposition d’instruments de facilitation à la fraude puni de 3 années d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende.

Le délit serait défini comme suit : « la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts ».

La peine serait portée à 5 années d’emprisonnement et 500 000 € d’amende lorsque la mise à disposition serait commise en utilisant un service de communication au public en ligne.

  • Déroulement du contrôle en dehors des locaux de l’entreprise

L’article 23 du projet de loi de finances entérine la jurisprudence selon laquelle le contrôle fiscal peut se dérouler en dehors des locaux de l’entreprise. Cette faculté d’initiative de délocalisation du contrôle, qui n’était jusque-là que possible pour le contribuable, serait désormais offerte à l’administration. L’administration pourrait ainsi proposer un autre lieu avec l’accord du contribuable ou à défaut que le contrôle se déroule dans les locaux de l’administration.